vendredi 12 avril 2019

La communauté du vélo

 
 
15 Janvier, Asunción. C'est de bonne heure et néanmoins sous une chaleur torride que je fais mon entrée dans la capitale paraguayienne. La veille au soir, j'avais établi mes quartiers à 45 km seulement de son centre et 4 petites heures de vélo auront été suffisantes pour atteindre ma destination. Lors de mon arrivée, Marc (le plus jeune des 2 frères) est déjà là à m'attendre devant notre pied-à-terre. Louis, lui, n'arrivera que dans la soirée... Objectif: partir d'ici le plus tôt possible mais auparavant il faut trouver des montures dignes de ce nom pour mes nouveaux compagnons de route. Quant à moi, il me faut réparer ma roue arrière qui est à bout de souffle.
Louis et Marc sont en excellente condition physique mais sont tous deux des cyclistes débutants. Ils vont donc devoir faire leurs jambes assez rapidement car ils ne disposent que de 5 semaines pour rallier Montevideo qui se trouve à une distance avoisinant les 1700 km, ce qui représente quand même un bel exploit sportif pour des cyclistes néophytes. Heureusement pour eux, ils ne pouvaient pas mieux tomber... En effet, cette partie du parcours sud-américain est relativement plate, dispose de belles routes et les possibilités de ravitaillement y sont assez nombreuses pour pouvoir évoluer sans trop s'allourdir et à un rythme qui leur conviendra plus facilement. N'ayant pas trop à pousser sur les jambes dans cette partie du globe et n'ayant pas non plus un chargement aussi conséquent que le mien, je ne doute donc pas un instant du succès de notre entreprise.
De mon côté, entre mon arrivée sur Yby Yaü en date du 22 décembre et Asunción, je n'ai parcouru que 350 petits kilomètres... autant dire une simple bouchée de pain qui est à des années lumières de mes moyennes habituelles. En compagnie de mes deux apprentis cyclistes, je vais donc continuer à rouler à la baisse et c'est une expédition aux allures de vacances qui s'annonce; période sur laquelle je compte profiter pour récupérer à 100% en vue des futures épreuves à venir.
Trois journées seront nécessaires afin de mener à bien nos différentes missions et au petit matin du 19 janvier, nous quittons enfin la capitale en route pour l'aventure. Nous avons de la chance puisque pour notre première journée, un ciel nuageux et la fraîcheur nous accompagne, une aubaine inespérée qui facilite grandement notre progression.
Le tempo: c'est Marc ou Louis qui le donne selon les circonstances. Moi, je me contente de rester derrière en ce début de parcours, observe et les conseille... Ne pas croiser la chaîne ni appuyer sur les pédales lors des changements de vitesse... rouler à l'économie en trouvant un braquet confortable et tâcher de le maintenir quelque soit le profil du terrain... adopter la bonne posture, se servir du poids de "la bête" à son avantage...en bref, acquérir rapidement tout un tas d'automatismes qui doivent devenir tout aussi naturel que respirer afin de s'immerger le plus tôt et le plus profondément possible dans la science contemplative et profiter ainsi pleinement du chemin à parcourir et des fantastiques opportunités qu'il peut nous offrir.
M'apercevant que tout va bien, je ne tardai cependant pas à retrouver mon propre rythme qui me propulse inévitablement au poste d'éclaireur et les laisse ainsi seuls face à eux-mêmes. Concernant les campements ou la prise de renseignements, je prends généralement un peu les devants. J'avoue honnêtement que j'affectionne tout particulièrement ces moments-là... celui où la deuxième journée débute, c'est-à-dire dès qu'on pose pied à terre... celui de ces jeux de pistes où l'on commence alors à tisser des liens et à apprendre la géographie ainsi que les petites histoires locales le temps de trouver la personne à qui demander la permission pour annexer son terrain pour une nuit ou encore trouver son chemin ou quelque chose...parfois, je passe par tellement d'intermédiaires et je m'adresse aux gens avec tant de précisions qu'ils doivent finir par se demander si je ne suis pas finalement du coin!
21 janvier. Nous venons de passer la ville de Coronel Oviedo et nous trouvons donc désormais à mi-chemin de Ciudad del Este et de sa frontière avec l'Argentine. En cette troisième journée, la chaleur est de retour avec vigueur. Heureusement ce ne sont pas les opportunités de se rafraîchir qui manquent puisqu'on trouve au Paraguay des douches dans les endroits les plus insolites qui soient... Vous avez un petit creux ou une petite soif et décidez de faire halte dans un petit commerce de quartier ou une boulangerie? Pas de problème, ils ont la douche! un petit café accompagné de quelques tortas fritas dans un restaurant? Profitez-en là aussi pour vous doucher! J'avais même pu prendre une douche au poste frontière dans le chaco...c'est pour vous dire!
Pour ne pas trop souffrir de la chaleur, il est également indispensable de se lever dès que retentit le troisième chant du coq et de réaliser l'essentiel de sa journée de vélo durant la matinée quand les ombres sont encore étirées et que la lumière est douce. Nous parcourons ainsi un peu plus d'une cinquantaine de kilomètres chaque jour depuis notre départ et mes compagnons apprivoisent leurs montures progressivement. Encore quelques jours et nous pourrons commencer à augmenter notre distance journalière: Louis et Marc sont sans doute passés par quelques petits moments de solitude dans les premières côtes ou encore à cause du soleil de plomb qui cogne vraiment dur une fois la mi-journée atteinte... mais ils récupèrent totalement une fois le casse-croûte, le goûter, le dîner et le souper de passer ainsi qu'après une bonne nuit de sommeil. En revanche, ces deux véritables "chats noirs" défient les statistiques puisqu'il ne s'est pas passé une seule journée sans crevaison depuis notre départ. Ainsi, au sixième jour de notre aventure, nous cumulons déjà 6 crevaisons à nous trois.
Au 25 janvier, nous basculons en Argentine après avoir franchi le Rio Paraná qui nous mène jusqu'à Puerto Iguazú. Me concernant, je pénètre sur le territoire argentin pour la quatrième fois en 4 mois et demi. Cette fois-ci, nous allons traverser les provinces de Misiones et Corrientes (mince bande de terre prises en étau entre le Paraguay et l'Uruguay et qui est délimitée par deux fleuves) ainsi qu'une infime partie d'Entre Rios avant de passer en Uruguay. La route que nous empruntons suit plus ou moins le Paraná durant toute notre traversée de Misiones avant de s'en éloigner et faire route plein sud aux alentours de Posada, la capitale de province. Si le parcours se révèle très valloné et accompagné d'une végétation luxuriante et de champs d'agrumes durant la traversée de la première province, plus on s'approche de Corrientes et plus le relief s'applatit... la jungle laissant place progressivement aux exploitations bétaillères ainsi qu'aux plantations d'eucalyptus; un paysage auquel nous allons devoir nous habituer puisqu'il va nous poursuivre jusqu'à la fin de notre périple commun.
Avec un relief s'applatissant, nous en profitons pour commencer à augmenter progressivement la longueur de nos étapes: de 50 à 55 km, nous passons ainsi rapidement à des moyennes journalières comprises entre 65 et 75 km. Nous réalisons même un 85 km en date du 1er février, soit deux semaines exactement depuis notre départ d'Asunción.
Ce jour là, nous arrivons sur Santo Tomé et sommes à présent environ à mi-parcours. Depuis notre départ, nous avons déjà parcouru 850 km et n'avons pas encore pris une seule journée de repos. Nous évoluons sous des cieux cléments et n'avons pas non plus reçu une seule goutte de pluie pour l'instant. Nous bivouaquons aux bords des rivières, dans les clubs de pêche, les parcs ou campings municipaux ou encore aux alentours des stations services ou sous les toits de bâtiments en construction... Nous avons fait un peu de pistes aussi. Louis et Marc ont déjà eu un bel aperçu de la vie de nomade et de la jouissance que procure le fait de se déplacer librement et à vitesse humaine sur un simple vélo et sont désormais habitués à l'effort quotidien et à la nouvelle routine qui s'est installée. Cependant la fatigue s'accumule petit à petit, aussi décidons-nous d'un commun accord de prendre une bonne journée de repos et d'en profiter pour nettoyer nos montures, ne rien faire et reposer les jambes, bien manger et bien dormir...afin d'aborder la suite du parcours sereinement.
Un jour et demi plus tard, nous nous remettons en route et parcourons 500 kilomètres en 6 jours. Autant dire que notre halte a été plus que bénéfique et a fait le plus grand bien à nos organismes! Depuis Santo Tomé, nous avons rejoint le Rio Uruguay dont la route suit le tracé et atteignons la frontière en date du 8 février.
L'Uruguay est un pays où le coût de la vie explose littéralement par rapport à ses pays voisins. En effet, ne produisant principalement que de la viande et des eucalyptus destinés à être vendus au Brésil afin d'y alimenter l'industrie du papier, l'essentiel des aliments de consommation courante y est donc importé et l'on comprend rapidement que mieux vaut ne pas trop s'éterniser dans le coin si l'on ne veut pas faire un trou dans son porte-monnaie. Nous nous trouvons désormais à 500 kilomètres de Montevideo et les jambes tournent bien, aussi continuons-nous à augmenter la longueur de nos étapes qui tourne autour des 95 km par jour désormais. À force de faire route vers le sud, les températures se sont progressivement rafraîchies grâce en partie au vent venant lui aussi du sud et à l'influence de la brise qui se fait ressentir de plus en plus à mesure que nous nous rapprochons des côtes. Mes deux frères d'armes suivent la cadence sans trop de mal malgré un vent qui leur met pourtant des bâtons dans les roues.
Nous atteignons la capitale uruguayienne le 15 février alors que leur vol est programmé pour le 21, ce qui nous laissera amplement le temps de nous reposer des épreuves de la route, de descendre quelques bières bien méritées et de partager de bons moments avant un prochain "alignement des planètes" qui permettra nos prochaines retrouvailles.
Je pense que Louis et Marc ont été séduits et sont repartis enchantés et enrichis par cette nouvelle expérience. Avant de nous séparer, ils me laissent même une partie de leur équipement qui me sera d'un grand secours pour la suite de mon parcours. Merci pour tout, bon vent et bon retour les amis! C'était chouette d'avoir reçu de la visite et d'avoir pu partager avec vous les joies de la route!
Leur départ marque aussi la fin des vacances me concernant et même si j'apprécie avoir de la compagnie, je dois confesser que je préfère de loin voyager seul! En effet, passant en moyenne environ 7 à 8 heures par jour à pédaler sous toutes les latitudes et types de climats, j'ai calculé que je cumule jusqu'à présent environ 6000 heures sur la selle de ma monture chargée. Avec une telle expérience, je ne suis pas facile à suivre et souvent pour les frères Dionne, je n'ai dû être que ce petit point qu'on aperçoit au loin à l'horizon. Vers la fin de notre parcours, je commençais à avoir des fourmis dans les jambes et ressentais l'irrésistible envie d'arpenter la route à mon propre rythme.
Voyager à plusieurs, c'est aussi partager de bons moments bien sûr, mais ceux-ci ont plus tendance à être dirigés vers la communauté qui s'est formée que vers notre prochain. En résumé, ce sont deux manières de voyager différentes et même s'il fut bon avoir des compagnons de route, je suis également enchanté de pouvoir retrouver mes vieilles habitudes.
La frontière avec le Brésil se trouve à 400 km plus au nord environ. Malgré la pluie qui est de la partie et me ralenti, je couvre la distance en 4 jours et y fais mon entrée le 25 février vers la mi-journée. Durant mes voyages, il m'est déjà arrivé de voir des choses surprenantes ou de vivre encore quelques expériences un peu cocasses ou intimidantes... Par exemple: je me suis déjà fait poursuivre par les chiens bergers d'anatolie en Turquie sur des kilomètres, j'ai déjà vu la foudre frapper le sol à 5 mètres de l'endroit où je me trouvais... J'ai également vu par deux fois des pneus de camions exploser sous l'impact de la chaleur... J'ai déjà eu 3 accidents, fait l'expérience il y a peu du silence total en Patagonie, je me suis aussi déjà retrouvé en pleine tempête sur un voilier au beau milieu de l'Atlantique ou à devoir camper par -25 en Slovénie...Je peux à présent rajouter à cette liste "avoir été attaqué par un essaim d'abeilles". Ce jour même, vingt petits kilomètres à peine après avoir passé la frontière, je roulais tranquillement dans une belle ligne droite et passais un tracteur armé d'un gros bras mécanique qui défrichait industriellement le bas-côté lorsque tout à coup je me retrouvai encerclé par un nuage d'abeilles...J'essayai bien de les chasser de quelques revers de la main mais il y en avait trop et elles commencèrent à piquer... Je ne panique pas; encaisse et sors le gros braquet. Après tout, essayons de les distancer à pleine puissance! mais là encore, j'échoue... Une abeille si ça veut, c'est vraiment rapide! Ne reste qu'à encaisser donc... prendre son mal en patience et les tuer une par une tout en continuant de rouler histoire de ne pas en voir plus arriver. Les environs sont déserts et je me trouve encore à 30 km de la prochaine ville. Je continue donc mon chemin afin de me concentrer sur autre chose que la douleur. Au premier bâtiment en vue (un restaurant), je m'arrête enfin et raconte mes mésaventures au patron qui a la gentillesse de m'aider à retirer les dards encore fichés dans mon corps. Au total, c'est une centaine de piqûres qui se trouvent réparties sur mes bras, le dos, le cou et le visage. Les quelques clients présents dans le restaurant de Walmir à ce moment là sont aux petits soins pour moi: "Va chercher du vinaigre!", "C'est bon! je viens de contacter le président du club cycliste de Bagé, il va passer te prendre et t'emmener aux urgences, c'est plus prudent!"
Finalement, je passerai deux jours et demi sur place. Après 2 injections et un médicament à prendre, Pedro, le président du club, ira même jusqu'à me payer une nuit d'hôtel afin que je puisse profiter d'une bonne convalescence. Chaque jour, l'hôtel prend un peu des allures d'hôpital puisque j'y reçois mes nouveaux amis venus prendre de mes nouvelles.
On peut dire que le ton est donné dès les premiers kilomètres avec ce baptême du feu: le Brésil c'est vraiment intense. C'est en quelque sorte "la cerise sur le gâteau" et pour tirer ma révérence aux Amériques qui m'ont accueillies pendant 8 ans,  je ne pouvais rêver mieux.
Bagé se trouve dans l'état de Rio Grande do Sul. J'y évolue à travers un paysage valloné où les monocultures de soja se succèdent les unes après les autres à l'infini. Avant de partir, je suis passé remercier et dire au revoir à mes amis qui ont eu la gentillesse de me préparer des provisions pour ma route. Ils m'ont également offert une belle carte routière couvrant l'intégralité du pays qui va m'être d'un grand secours pour la suite de mon périple brésilien.
À la fin de ma journée de vélo, j'aime fréquenter et camper à l'abris sous un avant toit dans les "postos" (nom des stations services). On y sert un café de qualité gratuit ainsi que de l'eau glacée à volonté et ils sont tous équipés de douches. De surcroît, dans chacune de ces stations services, il y a toujours juste à côté un restaurant où l'on sert un buffet pour 4 euros. Après m'y être fait inviter par deux fois en deux jours alors que je ne demandais rien, j'ai vite compris qu'ici tous les indigents et vagabonds sont les bienvenus et qu'on ne leur refuse jamais un bon repas. Depuis, j'y demande donc l'aumône qu'on me refuse rarement et prend souvent mes repas en compagnie des plus humbles.
 
Les jours se succèdent et j'avale les kilomètres. Je vais ainsi parcourir pas moins de 2000 km en 20 jours et 17 étapes, m'emmenant à travers les états de Santa Catarina, Paraná, São Paulo et Minas Gerais. Les marques d'hospitalité abondent et se traduisent souvent par des donations d'argents ou de provisions.
La terre, tout comme au Paraguay, est ici d'une fertilité incroyable, tout pousse ou presque et avec quelques poules, cochons et les produits de la pêche, les gens ne manquent pas de nourriture. Partout, des sourires, des témoignages d'amitié, de la bonne humeur, les gens sont heureux ici! On travaille mais sans stress, on ne gagne pas beaucoup d'argent mais les besoins ne sont pas énormes non plus, c'est vraiment un pays où il fait bon vivre, qui émane de bienveillance et où l'étranger est le bienvenu.
Pour la seconde fois, je franchi le Rio Uruguay qui sert ici de frontière naturelle entre les états de Rio Grande do Sul et Santa Catarina. Une fois passé ce dernier, la route s'élève... Les champs de soja disparaissent petit à petit pour laisser place à l'élevage et aux plantations de bananiers et de maniocs.
Avec l'altitude gagnée progressivement, la pluie refait également son apparition et les plantations de café et de canne à sucre viennent rapidement compléter le paysage.
Une nouvelle fois et comme c'est l'habitude, ma fidèle monture présente des signes de fatigue alarmant...la transmission encore! Mon gros plateau est mort, la cassette arrière usée elle aussi ainsi que la chaîne, tout comme les roulements du pédalier que je n'ai pas encore changés depuis le Mexique. J'avale les kilomètres en vrai boulimique et ça se voit! Ainsi, depuis mon départ du Mexique, j'ai déjà usé 3 paires de pneus jusqu'à l'os, une bonne grosse vingtaine de patins de freins, 2 cassettes, 2 chaînes, 1 fois les plateaux, 2 moyeux, et il me faut rajouter à cette liste tout ce que je dois changer à présent.
 
Heureusement, je ne suis plus très loin du domicile de Daniel avec qui j'ai parcouru la Terre de Feu il y a peu. Nous sommes restés en contact, me sait dans les environs et attend mon arrivée de pied ferme. Je l'ai mis au courant de mes pépins mécaniques et vais pouvoir arranger tout ça depuis chez lui à Poço de Caldas. À peine arrivé chez mon ami que j'y rejoins la communauté cycliste de "Turma do Saci" lors d'une soirée barbecue que Daniel a organisé chez lui.
Remettre à neuf mon vélo ne me demandera pas beaucoup de temps ni d'effort avec de telles personnes puisque très rapidement et à ma grande stupéfaction, on parle déjà de m'offrir quelques pièces de rechange en excellent état. Encore une fois la grande générosité et l'empathie des brésiliens me surprend et tout ne s'arrête pas là puisqu'ils iront même jusqu'à se partager l'intégralité des frais de réparation alors que parmi les donateurs se trouvent des personnes que je n'ai fait qu'entrapercevoir 5 minutes.
 
Mon séjour se passe paisiblement dans cette ville thermale en compagnie de mes nouveaux camarades. Chaque jour je découvre les environs et prépare la suite de mon expédition en même temps. Les voix sont unanimes: je dois faire le "Caminho da fe", une piste longue d'environ 300 km passant par la Serra da Mantiqueira et ses villages pittoresques. Emprunté par des milliers de pélerins chaque année, c'est un peu l'équivalent du chemin de Saint-Jacques de Compostelle mais avec des dénivelés de malade. Kiko, le président de la communauté l'a déjà parcouru 14 fois! Le pélérinage prend fin lorsque l'on atteint la ville d'Aparecida et son imposante basilique dédiée à la Sainte Patronne du Brésil.
"Ok, allons-y, vous en parlez tellement bien!" Au sortir de Poço de Caldas, la route est asphaltée jusqu'à Andradas durant les 30 premiers kilomètres et en plus j'ai droit à une escorte personnelle en compagnie de Xico et Marcelo, deux membres de Saci. Après un ultime café et casse-croûte partager en bonne compagnie, la piste commence gentiment et me fait traverser d'imposantes plantations de café. Ensuite, les choses se corsent dès la première côte et je comprends que rallier Aparecida ne va pas être une partie de plaisir malgré les paysages somptueux au sein desquels j'ai le privilège d'évoluer...
Je mettrai 4 jours pour couvrir la distance... sur le vélo dans les parties plates ou à faible pourcentage mais aussi et surtout à pied en le poussant dans des côtes à plus de 10% tout comme dans les descentes à retenir "le monstre" dans des pentes bien trop dangereuses et techniques pour se faire sur la selle avec tout mon chargement. Malgré la souffrance physique provoquée par les efforts que je dois déployer pour passer les 9 cols du parcours (tous franchi à pied), je me sens en paix dans cette nature somptueuse. L'exigence du parcours était telle que systématiquement et afin de récupérer pour les épreuves du lendemain, je dormirai dans les nombreuses "Pousadas" (auberges) disséminées un peu partout sur le chemin. Pour un prix compris entre 50 et 60 R$ (soit entre 12,5 et 15 euros), on vous y offre le lit, la douche, le dîner "en tenedor libre", le petit-déjeuner lui aussi en buffet, des provisions pour la route et en plus de tout ça on vous y lave aussi votre linge! Je garde un excellent souvenir de chaque pousada visitée le temps d'une demi-journée. Souvent, j'étais le seul client de tout l'établissement et à chaque fois j'y ai été reçu comme un prince.
Au fur et à mesure que l'on se rapproche d'Aparecida, le paysage change petit à petit et les cultures de café des premières journées laissent rapidement place aux fazendas et plantations de bananes sur la deuxième moitié du parcours. Une autre particularité de ce chemin est que plus on progresse, plus les cols sont durs à passer. Le dernier rempart avant la ville sainte me fait même passer de 950 à 1820 mètres en 14 petits kilomètres seulement, soit tout de même une pente moyenne de 13%. Heureusement, la bande de copains de Poço de Caldas m'avait déjà mis en garde et conseillé de faire halte dans la Pousada de Doña Ines située au km 4 de l'ascension finale à Brazópolis.
En procédant de cette manière, seul les 10 premiers kilomètres des 108 que compte la dernière étape constituent un obstacle de taille. Au premier avril, je fais mon entrée à Aparecida et y retrouve l'asphalte que je bénis. Située à mi-chemin entre les villes tentaculaires de São Paulo et Rio de Janeiro, elles sont reliées par la BR-116 qui traverse tout le pays jusqu'à Fortaleza. Si cette route est relativement paisible sur la majeure partie de son parcours: entre deux villes aussi importantes, elle se transforme inévitablement en autoroute au trafic très pesant.
J'ai béni cet asphalte il y a peu et pourtant au beau milieu de cette fourmilière, je le maudis déjà... Au sortir de 300 km loin du vacarme de la civilisation, je ne supporte pas tout ce bruit, les fumées noires des vieux camions poussifs et tout ce trafic. Daniel m'avait dit que s'il n'y avait qu'une seule ville à voir dans tout le pays c'était Rio de Janeiro, mais c'en est trop et je préfère renoncer avant même d'avoir essayé et je ne pense déjà qu'à m'échapper au premier croisement venu... Pour la énième fois, je redéplie donc ma carte et regarde quelle route pourrait convenir. Rapidement, mon choix se porte sur la BR-393 qui se trouve tout de même à une bonne journée de vélo.
À hauteur de Volta Redonda, je bifurque donc sur cette dernière sans aucun regret puisqu'à peine sorti de la ville j'y retrouve un semblant de calme. Une cinquantaine de kilomètres plus tard, je suis conquis par le fait que la route passe par absolument tous les villages sur son chemin, ce qui facilitera grandement l'accès aux provisions et la recherche d'un campement.
La 393 fait route en direction du nord-est jusqu'à Alem Paraíba après quoi je rejoins la 116 m'étant suffisamment éloigné à présent des grandes villes. Le 7 avril, je traverse Leopoldina et Muriaé dans la même journée et après une étape de 126 km, fais mon entrée en milieu d'après-midi dans la petite bourgade de Miradouro. Après avoir visité les 3 premiers postos que compte le village, ça ne sent pas bon et aucun ne me convient, notamment à cause des hôtels jouxtant les murs même de la station service. Mais il y a encore celle en sortie du village! à son approche, la prochaine est annoncée à un peu plus de 20 km au delà et il s'agit donc de ma dernière chance.
Heureusement, la providence est bonne avec moi puisqu'on m'autorise à installer mes quartiers dans une pièce abandonnée munie d'un ventilateur de plafond. Tout ça c'est grâce aux initiatives de Marcos, 26 ans, qui a immédiatement accepté de me venir en aide. Entre deux clients, il vient me voir et nous discutons. Je lui raconte d'où je viens, où je vais...et alors que je ne pensais passer qu'une nuit ici, je me sens tellement bien et je dispose de tellement de confort que rapidement je change d'avis car on m'a fait comprendre que ce n'était pas un problème si je décidais de rester plus longtemps. Mais c'était sans compter sur le grand coeur de Marcos qui me proposa de déménager chez lui où je serai beaucoup plus à l'aise plutôt que de rester ici. Je pourrai ainsi connaître sa petite famille, les environs et me reposer davantage car bientôt, c'est l'Amazonie qui se dressera sur mon chemin...
Quelques chiffres:
- J´ai parcouru  345 km au Paraguay en 10 jours et 7 étapes, soit une moyenne de 49,3 km par étape pour un total de 1410 km en 37 jours et 14 étapes, soit une moyenne de 100,7 km par étape.
- J´ai également parcouru 858 km en Argentine en 13,5 jours et 12 étapes, soit une moyenne de 71,5 km par étape pour un total de 7799 km en 93 jours et 72,5 étapes soit une moyenne de 107,6 km par étape.
- J´ai également parcouru 991 km en Uruguay en 17 jours et 12 étapes, soit une moyenne de 82,6 km par étape.
- J´ai également parcouru 2941 km au Brésil en 47 jours et 27 étapes, soit une moyenne de 108,9 km par étape.
- Le compteur total s´élève à environ 67.853 km en 1210 jours et 753 étapes, soit une moyenne de 90,1 km par étape.
- 262 cols franchis au total.
- 9705 euros dépensés à ce jour tout compris (transits en voilier ou avion, visas, hébergement, pièces pour le vélo, nourriture...), soit une moyenne d´environ 8 euros par jour.

mardi 15 janvier 2019

Retour sous les tropiques

 C'est sous une pluie battante que se fait mon arrivée dans la ville de Trelew, située dans la province de Chubut. Arrivé jusqu'ici n'aura pas été de tout repos puisqu'il m'aura fallu parcourir plus d'un millier de kilomètres à travers une pampa relativement pauvre en population.
Ce millier de kilomètres, pour vous le décrire, pourrait être découpé en deux tronçons de 500 km. La première partie, la plus facile, est parsemée de petits hameaux distants les uns des autres de 120 à 130 kilomètres. Attention! parler de hameaux reste un euphémisme car pour la plupart, ces "villages" ne représentent en fait qu'une station service avec 4 ou 5 maisons gravitant autour. Pour passer ce segment, je règle donc la longueur de mes étapes afin d'atteindre systématiquement l'un de ces points de ravitaillement et disposer ainsi d'une sécurité alimentaire en cas de mauvais temps. Une autre raison me pousse à chaque étape, à parvenir jusque la civilisation: cela ne vous paraîtra peut-être pas grand chose mais quand l'on est amené à camper en pleine Patagonie à la merci des vents; une simple façade bien orientée représente un bouclier derrière lequel il fait bon installer sa tente!
L'itinéraire emprunté se fait à travers la Ruta 3, non loin des côtes atlantiques. C'est une route monotone, rectiligne la plupart du temps, avec un virage tous les 50 à 100 km environ et dont le seul véritable avantage dont elle dispose est qu'elle est entièrement asphaltée, ce qui me permet tout de même d'économiser des forces par rapport à des pistes en graviers où il est nécessaire d'appuyer davantage sur les pédales afin de progresser. Néanmoins, c'est une route dangereuse: étroite et sans bas-côté, limitée en théorie à 110km/h alors que dans les faits (sans doute incité par l'absence de virages) tout le monde dépasse allègrement cette limite; il convient de redoubler de prudence, d'autant plus qu'il faut également compter sur de puissantes rafales de vents ainsi que sur un trafic soutenu. Ce dernier est quasi-intégralement composé par de gros camions citernes de l'industrie pétrolière pour lesquels l'humble cycliste que je représente pourrait être comparé à un insecte qui a le devoir de s'écarter de leur chemin s'il tient à la vie. Mes journées se retrouvent donc ponctuées par de nombreuses sorties de route et autant de départs-arrêtés.
Concernant le deuxième tronçon; il n'y a rien mis à part une station service isolée située approximativement à mi-parcours. Dans le but de mettre toutes les chances de mon côté et bénéficier d'une progression facile, je me lève donc peu avant l'aube, avale quelque chose à la lueur de ma lampe frontale et me mets en route dès qu'il fait assez jour. En m'organisant ainsi, je peux profiter de 2 à 4 heures de route sans vent durant lesquelles je ne m'arrête guère. Pendant cet intervalle, un silence de mort règne... Ici, pas de chants d'oiseaux ni de troupeaux de guanacos pour vous tenir compagnie. Seulement moi, perdu au beau milieu d'une pampa inerte et silencieuse qui en vient même parfois désirer entendre les murmures du vent. Car ici, j'ai appris à l'aimer: Je l'aime et je le crains en même temps. Allier puissant ou ennemi farouche, c'est aussi un fidèle compagnon, une présence qui insuffle la vie et le mouvement, qui nous fait danser au rythme de ses fantaisies et dont le chant sonne comme une musique celeste.
Neuf étapes et dix journées me seront nécessaires avant d'apercevoir Trelew au loin à l'horizon. Alors que la ville m'est encore dissimulée, je la devine pourtant, derrière une petite forêt laissant présager un cours d'eau. Ici, je dois absolument trouver une nouvelle tente: l'actuelle a trop souvent été déployée dans des conditions extrêmes et à maintes reprises les arceaux ont cassé, la fragilisant chaque fois un peu plus. Jusque là, j'avais toujours réparé mais une nouvelle cassure s'est produite il y a deux jours et de tente elle n'a plus que le nom. Le climat a progressivement changé et la douceur du printemps s'est installée désormais. La pampa, elle aussi, change petit à petit et les buissons laissent progressivement place à de frêles arbustres et de l'herbe bien verte commence à apparaître en bordures de routes.
Une fois ma nouvelle demeure acquise, je me remis aussitôt en route... Un nouveau segment long de 700 kilomètres sépare Trelew de Bahia Blanca. Sur ce dernier, on trouve une ville chaque 150 km environ. Les vents, bien que sévissant toujours dans cette partie du globe, se sont atténués eux aussi progressivement: alors que plus au sud les rafales pouvaient être comprises entre 50 à 80 km/h, ici elles ont diminué de moitié. J'accomplirai la distance en 5 jours et 5 étapes, aidé par un vent favorable me donnant des ailes.
La Ruta 3 m'exaspère, notamment à cause de la centaine de poids lourds me doublant chaque jour et d'un niveau de vigilance accru. Aussi, à hauteur de Bahia Blanca, après 1700 kilomètres sur cette dernière, je bifurque sur la 22 afin de traverser le pays d'est en ouest et ainsi rejoindre la mythique Ruta 40, qui suit le tracé de la cordillère. Cette dernière, je l'avais déjà empruntée sur plusieurs centaines de kilomètres entre Chile Chico et Puerto Natales lors de ma descente et sais donc à quoi m'attendre: alternant les parties de pistes et d'asphaltes, offrant aussi peu de possibilités de ravaitaillement que sur la Ruta 3; c'est une route exigente mais au moins là-bas, je serai en paix et puis j'y retrouverai la montagne!
La Ruta 22 commence comme avait terminé la 3 (je ne suis donc pas trop dépaysé): par une longue...très longue ligne droite de 180 km me faisant traverser le Rio Colorado; limite géographique séparant la Patagonie du reste de l'Argentine. Au nord de ce dernier, tout est plus facile puisqu'on y trouve l'essentiel de la population du pays. Les axes routiers y sont également plus développés, m'offrant ainsi de nombreuses options afin d'explorer le pays au gré de mes envies.
Une fois cette énième ligne droite franchie; à hauteur de Choele Choel, la route se met subitement à suivre le tracé du Rio Negro. J'entre dans l'un des "greniers à fruits" argentin: Cerise, pommes, poires, raisins; la zone est verdoyante et agréable à l'oeil après tant de kilomètres passés dans la pampa. Qui plus est, elle est densément peuplée. Aussi ne tardai-je pas à délester ma monture d'un fardeau devenu inutile: de 4 litres d'eau, je passe à un simple bidon que je remplis aussi souvent que je le peux. Terminé également l'obligation de se promener avec un imposant stock de provisions: quand la faim se fait ressentir, je peux à présent acheter au dernier moment, ne me constituant un petit stock de nourriture uniquement avant de bivouaquer.
Mardi 6 novembre, Zapala. À la mi-journée, j'aperçois les cimes enneigées de la cordillère au loin à l'horizon. Derrière, sur l'autre versant, non loin de là, il y a Villarica et son volcan, Pucon, la bande de copains de Los Sauces et la famille Fuica; la docteure Daniela à Reigolil... et un peu plus au nord Éric et Fran. Me retrouver ici permet de prendre la mesure du chemin parcouru. Il s'en est passé des choses ces trois derniers mois: La carretera Austral, La "fin du monde", et puis la traversée de la pampa et passer subitement de la rigueur de l'hiver à des températures estivales en à peine un mois! Me reconnaîtraient-ils derrière ma grosse barbe, ma peau tannée par le soleil et avec quelques kilos en moins? en tout cas, ils en feraient une tête s'ils me savaient là, tout près d'eux!
Cap au nord donc! avec au programme des nouvelles ascensions et autant de descentes, le retour de la piste et de la poussière aussi. Les jours passent et je maintiens un rythme assez soutenu avec des étapes avoisinant les 120-150 kilomètres. Las Lajas, Chos Malal, Barrancas, Ranquil Norte, Malargüe... Chaque jour je croise de nombreux cyclotouristes faisant route à leur tour vers la Terre de feu. Eux, au moins ne souffriront pas trop du froid mais ils devront composer avec des vents beaucoup plus violents que ceux auxquels j'ai eu droit d'après mes informations... À chaque cycliste rencontré, c'est toujours le même rituel: on s'arrête et échange des informations. C'est ainsi que j'apprends l'existence d'une route ne figurant encore sur aucune carte et qui me permettrait d'éviter une piste de 100 kilomètres. Armée d'un bitume flambant neuf, encore fermée à la circulation mais presque achevée: ce ne sont pas moins de 5 cyclistes argentins rencontrés dernièrement qui sont tous passés par là! D'après leurs dires, la piste est dans un état lamentable et se révèle quasiment impraticable: même les automobilistes préfèrent faire un détour sur plus de 200 km et passer par San Rafael afin de la contourner; arguments finissant par me convaincre, moi aussi, d'emprunter cette dernière afin d'économiser mes forces.
Trouver un campement est devenu beaucoup plus facile depuis que je me trouve sur la 40. Terminé les bivouacs improvisés au beau milieu de la pampa, dans des maisons en construction parfois insalubres ou encore dans les stations services. Ici, chaque village possède un camping municipal, gratuit la plupart du temps et parfois même équipé de douches. Lorsqu'ils sont payants, je me rabats sur une zone généralement située aux confins de chaque village où la municipalité met à disposition de tout le monde de gros barbecues montés sur pierres. Tables, bancs, sanitaires et eau courante, avec de nombreux arbres projetant leurs ombres à même le sol, rien ne manque et il fait bon s'y reposer aux heures les plus chaudes. Ces espaces sont aussi un formidable lieu de vie et les gens y viennent en groupe boire le maté, discuter ou encore y faire la sieste. Je suis à l'aise sur ces paisibles routes montagneuses. Le vent du nord, apportant avec lui la chaleur des tropiques, rend mes journées un peu plus pénibles mais je continue à passer aisément les 100 kilomètres chaque jour. Je ne roule à présent que sur des demis-journées; démarre très tôt "à la fraîche" et ne tarde pas à m'arrêter une fois le soleil à la verticale. Les après-midi, après avoir cuisiné quelque chose, sont consacrés à la lessive, à l'inspection et l'entretien de mon vélo si besoin est ou encore parfois à un peu de couture afin de raccomoder mes vieilles fripes. Je lis, écris ou encore fais la sieste et partage de bons moments en compagnie des populations locales. Il y a peu, j'ai fait mes comptes et me suis aperçu que j'ai franchi la barre symbolique des 60.000 km. Une fois et demie le tour de la terre en solitaire...déjà! Cette année, j'ai bien progressé. Néanmoins, lorsque dans ma tête je passe en revue mon parcours, je m'aperçois rapidement que cette distance ne représente encore que quelques gouttes d'eau. L'Afrique et l'Asie me font rêver elles-aussi  et sont encore pour la plupart vierges de mes traces. La tâche est colossale. Y arriverai-je? Mes finances sont au plus bas et ma monture commence à constituer l'essentiel de mes dépenses. Après la transmission, c'est cette fois ma roue avant qui commence à développer un jeu latétal inquiétant. En plus, je me suis rendu compte que les deux galets de la patte du dérailleur arrière sont complètement usés... Il faut réagir, sans trop tarder, et sans trop dépenser dans la mesure du possible!
Cela tombe bien! j'ai un pied-à-terre à Cordoba, à 700 km de là, où je vais pouvoir prendre le temps de dénicher (je l'espère) des pièces d'occasions encore en bon état et pour un prix réduit voir gratuit pourquoi pas? Je suis attendu là-bas par Olga Galluci, la mère de Gabriel, un argentin vivant en Italie et qui m'avait fourni le gîte et le couvert plusieurs jours durant lors de mon périple italien. Étant à présent sur ses terres, je l'avais contacté afin de savoir s'il était dans les environs. Il me répondit que non, mais que sa mère serait ravie de me recevoir à son tour.
À hauteur de Mendoza, je quitte donc la 40 afin de me diriger cette fois vers le centre-nord du pays à travers les routes nationales 7 et 8, riches en culture céréalières ainsi qu'en bétail.
Je fais mon entrée sur Cordoba en date du 21 novembre. Deux jours durant, j'y écumerai toutes les bicicleterias de la ville. Pour vous donner une idée et après avoir récolté de nombreux devis, le simple coût des deux galets plus la pose devaient revenir à 1200 pesos argentins, soit 30 euros environ. Quand on est pressé, c'est dans ces moments-là  où l'on sort le porte monnaie et paie le prix fort. Heureusement pour moi, considérant le temps comme l'une de mes principales richesse, je ne pressai pas et finis par dénicher la perle rare chez la bicicleteria Iwulski. D'emblée, le patron et moi sommes sur la même longueur d'onde. Recycleur dans l'âme, j'y trouve un moyeu et les fameux galets dans un état plus que décent, un pneu thaïlandais de bonne facture quasi-neuf ainsi qu'un mécanicien d'exception. Ce dernier me nettoie même mon vélo qui brille comme un sous neuf, graisse, lubrifie et m'arrange tous mes petits problèmes. Au final, je me serai fait de nouveaux amis avec lesquels boire le maté et la facture totale monte à 800 pesos, soit 20 euros seulement, ce qui ne représente pas grand chose au vu de tous les services rendus. Je repartirai même avec un flacon de cire destiné à protéger ma chaîne des intempéries, cadeau de la maison!
La señora Galluci, qui était il y a peu presque aveugle, vient de subir une intervention chirurgicale afin de recouvrer la vue. Le fils de Gabriel, Luca, est même venu spécialement d'Italie pour prendre soin de sa grand-mère. La cohabitation se passe bien: Luca s'occupe d'accompagner sa grand-mère à ses visites, fait les courses et la lessive. Quant à moi, je prends en charge la cuisine et le nettoyage et profite de ce repos pour faire connaissance avec la famille et réfléchir sur la route à suivre.

Perdu entre de nombreux pays qui sont autant de destinations touristiques majeures, le Paraguay me fait très envie. J'ai déjà à quelques reprises pu échanger quelques moments avec des routiers paraguayens et les ai toujours trouvés d'une gentilesse et d'une extrême courtoisie, aussi m'ont-ils convaincu de sillonner leurs terres. De plus, c'est encore une destination touristique méconnue et je pense y représenter "l'ami qui vient de loin" plutôt que d'être pris pour une banque ambulante juste bonne à "cracher les billets" comme c'est un peu trop souvent le cas, malheureusement.
La señora Olga, à qui j'ai exposé mes plans, me conseille de passer la frontière à Clorinda, près d'Asuncíon la capitale... Cependant, cet itinéraire (bien que plus court) me fait arriver un peu trop au sud-est du pays à mon goût. Je lui préfère donc un "itinéraire maison"élaboré à l'instinct et faisant route plein nord au sortir de Cordoba. Un retour en Bolivie est également prévu au programme et j'aborderai ainsi le Paraguay par une frontière située au nord-ouest et pourrai ainsi le parcourir d'une extrémité à l'autre.
L'été n'est plus très loin à présent et mes habits d'hiver ont trouvé une nouvelle place, bien enfouis au fond de mes sacoches. Devenus un fardeau inutile, voilà qui fera d'excellents cadeaux aux gens qui me recevront dans un futur proche. Près de 1200 kilomètres me séparent encore de la frontière bolivienne et de sa région El Chaco au sortir de Cordoba. Pour la rejoindre, je choisis d'emprunter les routes 60 et 157, qui me font passer entre autre par las Salinas Grandes où l'aridité règne en maître avant de retrouver une végétation plus luxuriante. Je souffre désormais beaucoup de la chaleur et passe de petites nuits à cause de cette dernière. Les orages deviennent heureusement de plus en plus fréquent et rafraîchissent bien l'atmosphère.
En date du 14 décembre, je repasse en Bolivie à la frontière de Yacuiba: Six mois après être passé par son altiplano, je découvre ici un autre visage du pays. El Chaco boliviano est la zone la plus chaude de Bolivie. Ici, on cultive le maïs, le soja et le manioc. Les manguiers donnent à plein régime et les cigales chantent désormais à la tombée de la nuit, signe annonçant que la récolte des pastèques bat son plein. Je retrouve également les joues bombées des nombreux mâcheurs de "coca con bica" et parfois les petites femmes boliviennes avec leurs nattes tressées coiffées de leurs chapeaux-melon.
J'atteins Villa Montes, se situant à 120 kilomètres de la frontière avec le Paraguay et dernière ville sur mon parcours avant plusieurs centaines de kilomètres, vers la mi-matinée du 17 décembre.
À peine sorti de la ville que la tige maintenant la roue arrière solidaire du cadre explose soudainement et laisse dévoiler ses différentes parties sur la chaussée...J'avais vu il y a quelques jours que ma roue arrière commençait à son tour à développer du jeu, mais je pensais cependant avoir encore le temps avant de m'occuper de cette nouvelle avarie...
Confronté à un nouveau problème, je pourrais enrager contre ce coup du sort. Et bien non! je souris pourtant! et là où certains verraient peut-être le mauvais oeil, je ne vois là que protection. En effet, et comme à chaque fois où je fais de la casse, cela se produit toujours dans une zone où je suis à même de régler le problème facilement. Et pourtant, ce n'est pas faute de traverser des déserts ou d'autres zones éloignées de la civilisation! et étrangement, dans ces moments-là, je ne casse jamais rien! Alors hasard et coïncidence ou protection et puissances supérieures? Libre à chacun de voir les choses à sa manière et de les interpréter comme il le souhaite!
Devant donc à présent me mettre en quête d'un atelier où régler le problème, c'est à pied et en poussant le vélo que je fais demi-tour. Je n'aurai pas à faire un grand bout et toutes les personnes interrogées tour à tour ont toutes l'air de m'orienter vers le même endroit, c'est bon signe! Aussi ne tardai-je pas à trouver l'atelier en question.
Genaro, le grand-père et propriétaire de cet humble commerce y est secondé par Sebastian (15 ans) venu gagner quelques sous pendant ses vacances, ainsi que par ses deux fils venus lui prêter main forte en cette période de fin d'année car ils croulent sous le travail. Une petite file d'attente s'est même formée et je comprends vite que ça va prendre du temps, peut-être toute la journée même. Aussi, commençai-je à penser comment j'allais me mettre à jouer cette partie-là...
Non loin de l'atelier, j'aperçois une petite dame vendant des jus frais à l'ombre d'un bel arbre sous lequel se trouve des chaises libres installées. De là, j'ai une vue imprenable sur toute la rue et je trouve l'endroit formidable pour réfléchir. Je ne me presse pas car je n'ai nulle part où aller et pas d'argent à dépenser et tout en sirotant mon eau parfumée au sésame, analyse ma situation: Ne sachant pas l'étendue des dégâts avant que le moyeu soit démonté, ni le temps que cela prendra une fois le diagnostic établi, finalement le seul détail dont j'ai à me soucier pour le moment est de trouver un coin où établir mes quartiers le temps de solutionner ce problème.
Entre la dame vendant ses rafaîchissements et l'atelier, il y a une grande basse-cour qui ferait, pensai-je, un endroit plus que convenable pour y déployer ma tente. Je retourne donc voir Genaro et lui demande à tout hasard s'il ne serait pas l'heureux propriétaire de cette bâtisse. Il me répondit que non, mais que la dame vendant ses jus lui loue son fond de commerce et que c'est à elle que je dois m'adresser. Parfait! Ni une ni deux, je retourne auprès d'elle afin de lui expliquer ma situation et de lui demander l'autorisation d'annexer un petit coin de sa cour le temps d'une nuit, ce à quoi elle répondit par l'afformative. Et voilà, déjà un problème de régler! je peux donc me la couler douce et en profiter pour me reposer, puisque je n'ai rien de mieux à faire.
La matinée s'écoule paisiblement et j'attends mon tour. Ayant repositionné ma chaise à l'ombre devant l'atelier, je les regarde travailler et discute avec eux entre deux réparations. Lorsque survint la pause déjeuner, mon tour n'est encore pas arrivé mais Genaro m'invite gentiment à partager l'almuerzo avec eux. Nous prenons le repas sur place et comme ils ont la bonté de m'inviter et que le soleil est de plomb, j'offre les rafraîchissements. En milieu d'après-midi, le moyeu est enfin démonté. Ouf! c'est réparable, mais avec plus de 45.000 kilomètres à son actif, l'usure est prononcée et la réparation ne sera que temporaire, m'offrant ainsi un répis devant me permettre de trouver une pièce de rechange.
face à ce nouveau problème, un petit point carte est nécessaire et un "nouveau jeu" commence. Sur Villa Montes, la pièce est introuvable mais Benjamin, le fils cadet de Genaro, m'annonce que sur Tarija (située à environ 200 km à l'ouest d'ici dans la sierra bolivienne) je trouverai mon bonheur. Lui demandant de me décrire cette route, j'apprends qu'il y a plusieurs cols à passer et que l'essentiel du parcours de fait sur de la piste, apparemment en bon état. Ma deuxième option, c'est de continuer ma route vers le Paraguay et de réparer là-bas. Cependant, de ce côté, il n'y a aucune ville sur une distance avoisinant les 500 km. En revanche, la route y est plate bien que comprenant elle aussi plusieurs sections de pistes.
Ces nouvelle données en ma possession, je passai donc l'après-midi à méditer sur ce cas particulier. Un moyeu arrière neuf avec cassette neuve coûte environ 50 US$, ce qui représente une véritable fortune au point où j'en suis. les ascensions et les pistes sont désormais à éviter au maximum puisqu'elles solliciteront davantage le moyeu et augmenteront le risque de casse.
Je me trouve encore à 1200 km d'Asuncíon, qui attire mon regard et semble être le meilleur endroit pour réparer. En effet, Louis et Marc, les deux frangins canadiens, ont prévu de m'y rejoindre à la mi-janvier afin de m'accompagner à vélo jusqu'à Montevideo. Une fois sur place, ils vont avoir besoin de s'acheter des montures, ce qui représente une dépense importante et je décide donc de miser là-dessus pour y négocier le moyeu en cadeau...Je prie donc et croise les doigts pour que le moyeu tienne jusque là. si j'y parviens, il y a de fortes chances pour que je gagne la partie et râfle la mise, ça vaut le coup d'essayer!
Je n'aurai finalement même pas à monter la tente. À la tombée de la nuit, Benjamin m'accompagne à vélo jusque la demeure familiale afin de m'y doucher, y dîner et même y dormir dans une chambre qu'ils mettent à ma disposition. Ce n'est que le lendemain matin que je me remets en route en direction du Paraguay donc. J'atteins la frontière en date du 19 décembre, à la mi-journée. El Chaco paraguayo est une zone aride, très aride même, sans une goutte d'eau, avec une végétation de type savanne et qui s'étend sur plus de 500 kilomètres, jusqu'à franchir el Rio Paraguay.
Prenant sa source dans le Mato Grosso brésilien, il scinde le pays du nord au sud. À l'est de ce dernier, on y trouve, concentrée, l'essentiel de la population du pays. Je franchirai ce dernier en date du solstice d'été, après avoir consommé plusieurs jours durant de l'eau de pluie, comme tous les habitants de cette région du monde.
Au Paraguay, tout le monde parle naturellement le Guarani. Ses habitants parlent aussi l'espagnol, mais ils commencent à l'apprendre lorsqu'ils rentrent à l'école primaire. L'humilité, la compassion, le partage; ses habitants regorgent de qualités. Les pluies tropicales sont ici d'une violence inouïe et afin de m'en prémunir, chaque jour, je me mets en quête d'un avant-toit sous lequel établir mon campement. Systématiquement et sans rien demander, on m'invite à chaque fois à partager le repas familial, qui sont autant d'occasions d'y perfectionner mon guarani rudimentaire, qui s'étoffe malgré tout un peu plus chaque jour.
22 décembre à la mi-journée. Je viens de passer Yby yaü et me trouve désormais à environ 400 kilomètres de la capitale. Le moyeu, bien qu'ayant regagné du jeu, semble pouvoir tenir la distance, c'est presque gagné! Je fais à présent route plein sud et traverse une colonie brésilienne lorsque deux hommes se trouvant sur la bas-côté de l'autre côté de la rue et semblant attendre quelqu'un ou quelque chose attirent mon attention. Je m'empressai donc de traverser la route afin de leur demander s'ils connaissent un bon endroit où bivouaquer et engage la conversation.
Luis Villalba a 30 ans et travaille dans une estancía, ces grandes exploitations bétaillères et agricoles. Il est accompagné par Miguel, 28 ans (son beau-frère) et rapidement, plutôt que de camper ici, Luis me fait une bien meilleure proposition: il se propose pour m'héberger chez Miguel et sa soeur et de passer Noël en leur compagnie à Yby yaü. Lui doit s'absenter aujourd'hui même et rendre visite à sa grand-mère et ne reviendra que le 24, dans la matinée.
Le temps de la discussion, trois bus lui sont déjà passés sous le nez et Miguel se propose donc pour l'emnmener jusqu'au terminal. Après m'avoir expliqué comment rejoindre son domicile, nous nous séparâmes et je commençai à rebrousser chemin. C'est ainsi que je fis mon entrée au sein de la grande famille Villalba, composée d'une fratrie de 11 frères et soeurs. Alors qu'au départ je devais poursuivre ma route après Noël, je passerai également les fêtes de fin d'année en leur compagnie sur leur invitation.
Gilda, affectueusement surnommée Ninie, est l'épouse de Miguel depuis peu de temps. Parents du petit Daniel 4 mois, ils possèdent ensemble un petit commerce de quartier vendant des produits de premières nécessités, des glaces et des empanadas également. Ninie se charge de la confection et Miguel de la livraison. Cette dernière est également la mère d'Hernán, fruit d'une précédente union et pour lequel j'ai une grande affection.
La maison appartient à Ninie et est actuellement occupée par Samuel, son frère, qui est en convalescence car il se remet d'un accident de la route qui a eu lieu il y a de cela deux mois.
Les jours se succèdent paisiblement et je ne sors pas beaucoup. Je passe l'essentiel de mon temps en compagnie de Ninie et Samu à boire le terere (maté froid) la boisson nationale à l'ombre des manguiers ou encore avec Hernán, à inventer des jeux tous plus farfelus les uns que les autres ou à remettre son vélo en état.
En effet, un beau jour, j'eus l'idée de sortir ma monture afin de la nettoyer des pistes paraguayennes et je vis qu'Hernán s'empressa aussitôt de sortir la sienne, dans un état lamentable. Ninie me dit alors que voilà des mois qu'il la harcèle afin que son vélo soit remis en état. Mais dans le coin, personne ou presque ne roule à vélo et il n'y a par conséquent aucun atelier où le réparer...
Hernán est un petit garçon formidable et très intelligent. Après en avoir terminé avec mon vélo, je pris en main sa formation et lui appris tout ce que je savais sur la mécanique cycliste. Nous fouillons dans tous les tiroirs de la maison, lui constituant ainsi une caisse à outils; raccourcissons sa chaîne de plusieurs maillons, changeons ses freins, réglons sa potence et sa hauteur de selle, nettoyons, graissons et lubrifions les différentes parties mécaniques et redonnons vie à sa monture. Il est aux anges et à chaque fois que Ninie, Samu ou moi-même avons besoin de quelque chose, il s'empresse alors de se saisir de son vélo et se propose comme coursier avec une joie de vie qui fait plaisir à voir.
Si je n'inclus pas Miguel dans cette histoire, c'est simple, c'est qu'il n'est jamais là... Ne rentrant qu'à la mi-journée pour y prendre le repas et faire une petite sieste (après quoi il disparaît tout l'après-midi), je me demande bien ce qu'il fait toute la journée... Je lui ai bien posé la question, mais il me répond qu'il travaille tout simplement...L'essentiel des discussion lorsqu'il est à la maison se passant en guarani, je ne comprends pas grand chose et n'ose pas insister, ne voulant pas mettre mes hôtes dans l'embarras.
Lorsque le réveillon de Noël arriva, Miguel, Luis et moi-même partîmes dans "le Monte" chez les parents de Ninie. Elle, reste à la maison en compagnie des enfants et de Samu. Vers 22 heures, Miguel m'annonce qu'il va redescendre et rejoindre Ninie mais qu'il repassera me prendre demain dans la journée. Finalement, je ferai le trajet retour en compagnie de Luis, qui me dépose chez sa soeur. À mon retour, l'ambiance est tendue et j'apprends que Miguel n'est jamais repassé à la maison. Il me dit qu' il a préféré rejoindre sa famille, qu'il a un peu trop bu, et a préféré passer la nuit là-bas...Plus les jours passent, plus il montre son vrai visage. Car il ne faut pas me prendre pour un imbécile et bien que ne répondant pas à ses mensonges, je n'en pense pas moins car il est inpensable qu'il puisse rejoindre ces derniers en laissant sa femme et son fils derrière lui...
Quant à Ninie, elle évite soigneusement le sujet, je n'en saurai donc pas plus pour le moment, inutile d'insister.
Arriva le réveillon du nouvel an. Cette fois, un barbecue est prévu ici-même. Après le repas; Ninie, le petit Daniel et Miguel s'en vont rendre visite aux parents de ce dernier ensemble cette fois. Les douze coups de minuit ont sonné depuis un moment déjà et nous sommes déjà tous couchés lorsqu'ils reviennent. Cependant, Miguel se contente de déposer sa femme et son fils et ressort aussitôt, annonçant qu'il va faire un petit tour...
Ce fut la dernière fois que je vis Miguel... À mon départ d'Yby yaü (le 2 janvier), il n'avait toujours pas montré signe de vie... Ninie s'est enfin confiée à moi et pendant des heures je l'ai écoutée raconter son histoire: Miguel? il est accroc au crack et depuis qu'ils sont ensemble, il disparaît régulièrement pendant des jours entiers, voir pendant quelques semaines parfois... Elle a ainsi passé l'essentiel de sa grossesse sans lui, a accouché sans lui et elle possédait auparavant un commerce beaucoup plus prospère que l'actuel, mais s'est vue obligée de vendre la plupart de ses biens afin de subvenir aux nombreuses dépenses médicales. Miguel, lui, n'a pas d'argent, ne possède rien et ne l'a jamais aidée. Il avait bien une belle moto auparavant mais elle a appris qu'il l'a mise en dépôt chez un prêteur sur gage et bien entendu et comme à chaque fois, il a perdu son bien. Quant à l'argent, Ninie n'en ayant jamais vu la couleur; vous vous doutez bien où il a pu passer. C'est elle qui a tenu au mariage, sans doute dans l'espoir de fonder une famille unie autour de ses enfants et aussi pour fournir une porte de sortie aux problèmes de son époux mais ça n'a pas l'air de bien fonctionner hélas... Samu, peu après son accident, était en convalescence chez l'un de ses frères mais quand il a appris la situation de sa soeur, il s'est empressé de la rejoindre.
Situation délicate que la sienne... Que puis-je faire pour elle? Rien, mis à part l'écouter, lui apporter tout comme sa famille mon soutien et le réconfort dont elle a besoin et prier pour elle.
Depuis que j'ai repris ma route, pas un jour ne passe sans que je ne pense à elle ni que j'intercède en sa faveur. Car voyez-vous, les prières ont un pouvoir, n'en doutez pas une seule seconde! Je vais même en dévoiler l'un des secrets avec vous car pour activer ce pouvoir il y a une toute petite condition. N'ayez pas peur c'est tout simple puisqu'il suffit de demander beaucoup pour les autres, et seulement un peu pour soi, essayez vous verrez!

Quelques chiffres:

- À ce jour j´ai parcouru  4237 km en Argentine en 48,5 jours et 36,5 étapes, soit une moyenne de 116 km par étape 
- J´ai également parcouru en Bolivie 229 km  en 5,5 jours et 3,5 étapes, soit une moyenne de 76,3 km par étape.
- J´ai également parcouru au Paraguay 1065  km  en 27 jours et 7 étapes, soit une moyenne de 152 km par étape.
- Le compteur total s´élève à environ 62.718km, en 1122 jours et 695 étapes, soit une moyenne de 90,24 km par étape.
- 240 cols franchis au total.
- 9205 euros dépensés à ce jour tout compris (transits en voilier ou avion, visas, hébergement, pièces pour le vélo, nourriture...), soit une moyenne d´environ 8,2 euros par jour.